Le psychanalyste est-il un "maître" ? - pour employer un terme qui sonne mal, étant paradoxal, contraire même à la fonction de l'analyste... Mais c'est le terme de Lacan : [l'analyste] reste avant tout le maître de la vérité dont ce discours est le progrès. C'est lui, avant tout, qui en ponctue, avons-nous dit, la dialectique"(Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, 1953). Naturellement Lacan sait bien que la vérité n'a pas de maître, et par ailleurs "maître de la vérité" ne signifie pas "discours du maître" : ce serait plutôt le contraire.
Pour comprendre le sens très particulier de la maîtrise chez Lacan, il faut en préciser les deux origines : l'une explicitement référée à Hegel, l'autre implicite renvoyant à la tradition zen. En quoi l'analyste est-il comparable au maître hégélien ? Il n'existe qu'une seule réponse possible : parce qu'il enseigne. Tout Lacan est là : ses défauts et ses qualités, ses paradoxes et même son envergure historique exceptionnelle. Fonder (ou refonder) une pratique analytique implique donc une conception large de la formation, voire s'enracine en elle.
En quoi l'analyste est-il comparable maintenant au maître zen, maîtrise bien paradoxale de se fondre dans le cosmos à partir de l'identité de tous les signifiants ? La vérité n'y est plus dévoilement mais illumination dans la recherche de la voie ; voie qui n'est plus tout à fait celle de la libération (bouddhisme, zen) mais paradoxalement celle d'une aliénation assumée. Il y a une face "lumineuse" ou "esthétique", si l'on peut dire, dans l'illumination, qui associe à l'avènement du sujet - son surgissement, jamais son objectivation - l'amour du geste ou de l'acte qui jamais ne se répète. Ce n'est pas pour rien que Lacan aimait se rappeler ce vers de Paul Eluard : "L'amour est un caillou riant sous le soleil" !
dm

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