La vérité du discours est sujette à caution

 


D’où vient cette croyance en la toute-puissance justificatrice du Discours ? Croyance qu’une vérité est disponible pour tout ce qui existe et pour le Monde en général, vérité dicible par les Maîtres (ceux qui prétendent la détenir ou, pire encore, l’incarner). Croyance enracinée dans le discours du Maître par conséquent, qui est aussi la première forme de discours comme l’a bien vu Lacan, dans son essence foncièrement politique, et dominatrice. Discours métaphysique fondamentalement, bien plus que philosophique, au sens où il s’inspire explicitement ou implicitement du religieux ; tandis que si la philosophie peut bien avoir des préoccupations métaphysiques, elles restent cernées par la raison.

Tout discours est imaginaire et aucun ne contient La vérité. Celui qui tient un discours en général le fait pour répondre à une question, et il suppose à juste titre que la vérité se trouve en l’Autre. Une première vérité se trouve pourtant dans la question originaire adressée à l’Autre (on ne chercherait pas une vérité si l’on n’en détenait pas au moins une partie), mais à ce stade celle-ci n’est que parole, pas encore discours. Elle se réduit à la pure énonciation d’un désir ou d’un doute comme chez Descartes, mais qui finalement prend valeur d'une certitude absolue, sous l'espèce du fameux cogito, lui-même fondement d'un discours dit "scientifique" capable d'apporter des réponses plus ou moins probantes ...mais toujours incomplètes.

Cette vérité inconsciente du sujet qui est d’abord celle de son désir, le locuteur ne saurait la faire émerger intégralement dans « son » discours, pour la bonne raison qu’il n’est déjà plus le « sujet » de son discours. Il y a un sujet de la parole, mais il n’y a pas de sujet du discours : tout discours est neutre, anonyme, social, imaginaire (au sens il cherche à composer un « monde ») même s’il peut produire des effets de vérité pour des individus qui décident alors d’assumer, en le « tenant » ou en le "soutenant" comme on dit, tel discours plutôt qu’un autre. - Reste alors l’écriture, dont la portée déborde à nouveau le discours (car n’étant pas directement interlocutoire), pour ré-inscrire une vérité pleinement subjective, qui nous concerne, mais forcément déconcertante.

Certes, le discours social n’est pas sans générer un certain savoir plus ou moins vérifiable, donc transmissible. Mais dans tous les cas, la part de vérité qu’un discours peut contenir sera fonction de la capacité des locuteurs à remettre en « question » la légitimité ou plutôt la suffisance dudit discours - à savoir, comme on a dit, que la vérité n’y est jamais totale. Si cette réserve ou cette distanciation critique est bien (quoique fort inégalement) présente chez les philosophes, les scientifiques, et chez les analystes (plus largement ceux dont le métier est d’interpréter), elle est totalement absente chez les métaphysiciens (auxquels j'ajouterais les idéologues, et certains politiciens) dont le discours est par essence dogmatique et autosuffisant. D’autant plus qu’ils auront tendance à faire passer le Discours le plus fumeux (ou convenu, superficiel, etc.) pour une Parole dotée d'une profondeur abyssale, allant pour ce faire jusqu'à fétichiser leur propre voix : travers "pervers" qui, des anciens magiciens jusqu'aux intellectuels pour plateaux de télévision, à toujours été la marque des plus grands imposteurs. 

dm


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