Mientras duermes, film de Jaume Balaguerò, 2011
Le sujet pervers se distingue par un renoncement au désir auquel il substitue une volonté de jouissance. Deux positions incompatibles, car en effet, il faut que la jouissance soit refusée, comme le dit Lacan, pour être atteinte en quelque manière sur « l’échelle renversée du désir ». Le désir suppose d’en passer par les signifiants du désir de l’Autre, soit la demande, dont le pervers prétend absolument se passer, pressé d’atteindre la jouissance auquel lui donnent droit, de son point de vue, une maîtrise et un savoir non négociables. Seulement, la volonté dont il use n’est pas celle d’une subjectivité arbitraire et individuelle ; exactement comme chez Kant, elle place le sujet face à un impératif catégorique comme principe rationnel de l’action, auquel il ne peut que se soumettre. Le pervers obéit à un impératif de jouissance qui le dépasse, d’autant que ce n’est pas sa jouissance qui est jeu, mais celle de l’Autre (comme le désir du névrosé, c’est d’abord de soutenir le désir de l’Autre). Dépourvue de tout mobile empirique, la volonté perverse n’est pas davantage égocentrée : elle est déterminée par un principe qui lui donne sa forme de Loi, la Jouissance incarnée ici par l’objet ‘a’, en position de cause. Donc le pervers veut surtout la jouissance de l’Autre, et plus exactement la soumission inconditionnelle de ce dernier à la jouissance. Ce qu’il voudrait, au fond, c’est donner à la pulsion la forme d’une volonté universelle. Ainsi mise en place, la volonté va engendrer une division caractéristique en l’Autre, précisément entre un $ et S, soit respectivement entre ce que Lacan appelle ici le sujet de la raison pratique et le sujet pathologique (lié au plaisir, ou singulièrement, à la douleur). Le pervers rêve la jouissance en ce lieu de partage des deux sujets, au point de séparation d’avec le sensible.







